Le lac Baïkal me paraît déjà bien loin. 

Nous sommes revenus à Irkoutsk il y a trois jours après une grosse frayeur concernant nos visas pour la suite du voyage. Notre visa russe expire le 25 juillet et nous nous sommes rendu compte le 17, à Olkhon, que ça risquait d’être juste pour obtenir notre visa mongol au consulat de Mongolie à Irkoutsk.

Ce que nous lisons sur internet, les sites officiels, nous incite donc à partir précipitamment dès le lendemain. Quel dommage de quitter cette île. Il y a encore tant de nature à explorer et de bons moments à passer autour du feu. 

Les russes adorent passer leurs soirées autour d’un feu. Lorsqu’il y a une guitare, les musiciens se lancent. Sinon, les discussions vont bon train en russe, en anglais, en gestes. Visiblement, tout le monde y est toujours le bienvenu. Des russes que parfois personne ne connait entrent et viennent s’assoir autour du feu. Ça nous a fait très bizarre au début, mais finalement je m’y fais. Dans ce campement que Sergueï laisse ouvert à tous, il n’y a pas vraiment de chez soi, ce lieu appartient à qui veut y passer du temps. Je dois avouer que, lorsqu’en plein milieu de la nuit, nous sommes réveillés par un gaillard russe qui entre dans la tente commune avec la torche de son téléphone, s’allonge sur un matelas et s’endort, ça fait quand même bizarre. Mais ici, ça ne choque personne. Il voulait juste dormir… Voilà une expérience qui interroge mon rapport à la notion de propriété privé.

En dehors des soirées autour du feu, nous avons fait quelques balades très sympas, la nature est tellement belle ! Je trouve ça incroyable qu’au milieu du plus grand lac d’eau douce, émerge une île désertique recouverte de sable. Le vent du nord empêche la verdure de s’installer pour laisser la plus grande place à des steppes ou des forêts de sapins. C’est très sec. Les vaches, en totale liberté, vont parfois loin pour trouver de quoi ruminer entre deux rafraichissements au lac. 

Une fois, nous sommes partis à pieds avec Ira dans l’idée de traverser l’ile dans sa largeur pour voir le lac de l’autre côté, là où la côte est plus lointaine et l’eau plus fraîche. 4 heures de grimpe et de descente dans la forêt. Même désertique, la nature sait produire de belles couleurs. Et lorsque nous arrivons fatigués de l’autre côté, waouh, quel spectacle de bleu ! Nous avons même la surprise de voir des phoques qui pointent le bout de leur nez hors de l’eau par curiosité. 

Le reste de nos journées sur l’île est aussi occupé par un peu de cuisine, de la kacha (une bouillie de céréales sucrée ou salée, miam), des blinis, des salades. Je tente du pain perdu comme je le fais en France, mais le résultat n’est pas aussi probant, le pain n’est pas le même… Mieux vaut rester sur des recettes locales ! 

Aux heures les plus chaudes, nous allons nous baigner/laver au lac. Mathieu grimace, l’eau est glacée, mais ça fait du bien. Vers 20h30, si le ciel est dégagé, rendez-vous sur la falaise pour le coucher de soleil. On y retrouve toujours quelques personnes qui attendent le spectacle en silence.

La marchroutka de 8h du matin nous ramène à Irkoutsk en 6 heures de routes cabossées. Direction une petite auberge réservée près du consulat de Mongolie. Depuis la veille, nous commençons à imaginer des scénarios pour la suite. Le site de l’ambassade de Mongolie en France mentionne une quantité de documents à fournir et il ne reste que quelques jours ouvrés avant l’expiration du visa russe. Que faisons-nous si nous ne pouvons avoir notre visa mongol ? Obligé de faire une croix sur notre souhait d’éviter l’avion, mais des tas d’autres possibles s’ouvrent alors : la Corée du Sud, le Japon… Très vite, la réponse arrive au consulat : 70$/personne, une feuille A4 recto verso de renseignements basiques, une photo d’identité, une heure d’attente et nous avons notre visa mongol… What ? Pour le coup, il n’y avait pas de quoi paniquer ! Dans nos débuts dans le monde des visas et des frontières, nous apprenons donc que l’officiel a plusieurs interprétations et que l’officieux peut être tout autant officiel. Enfin, nous verrons si cette leçon nous servira pour obtenir un visa chinois à Oulan Bator. Si l’on en croit l’officiel sur internet, l’ambassade de Chine en Mongolie ne délivre plus de visa. Si cela se confirme, nous ne pourrons pas couper à l’avion, la Mongolie étant enclavée entre les deux super-puissances des visas, la Chine et la Russie. A suivre…

A Irkoutsk, nous avons décidé de rester quelques jours dans cette petite auberge pour nous reposer et penser un peu la suite de notre voyage. Nous sympathisons avec un couple d’Italiens qui a pour but d’arriver en Australie sans prendre l’avion. Echanges de tuyaux. 

Trois jeunes russes tiennent la permanence de l’auberge. Pour eux, c’est l’occasion de pratiquer les langues. Quant à moi, je me sens désinhiber dans ma pratique du russe. Les discussions que j’ai réussi à avoir avec ces russes me donnent envie de m’y remettre vraiment. En rentrant peut-être…

Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de Mathieu. Il a le droit à un super cadeau : une expérience inoubliable chez un dentiste russe pour soigner son mal de dent. Dommage qu’il ait un peu déguster, parce que la situation était vraiment très drôle. Nous avons été l’attraction de la journée pour les assistantes dentaires. Mais tout est rentré dans l’ordre pour Mathieu, enfin… jusqu’à la prochaine visite chez un dentiste mongol pour terminer le travail. Nous allons manger tout à l’heure dans un resto de viande pour lui remonter le moral