En direct du bus qui nous amène à Ulangom, dans le far-west de la Mongolie. Ça m’inspire les transports, même si là, ça secoue un max. Plus on s’éloigne d’Oulan-Bator, plus les pistes sont défoncées. Aucune infrastructure particulière mise en place pour les routes. C’est simplement le passage des véhicules qui crée la piste dans le sable. Parfois, c’est une « 4 voies » qui se forme à force de chercher le passage optimisé. Vitesse de pointe : 60km. Vitesse moyenne : 35km

Notre séjour au lac de Khatgal a été rafraichissant et nous avons eu la chance d’avoir trois belles journées de soleil. Khatgal est un petit village aux toits colorés à la pointe sud du lac. C’est une base avant de s’aventurer plus loin pour tous les voyageurs et touristes, principalement mongols, coréens et européens. On y retrouve des attractions touristiques typiquement mongoles comme se faire prendre en photo en tenu de Gengis Khan avec un aigle sur le bras ou faire un tour de chameau au bord du lac (oui, il y a beaucoup de chameaux en Mongolie, j’en reparlerai plus tard). Puis il y a tous ceux qui se préparent pour des treks à cheval dans la montagne chez les Tsatan. Les Tsatan sont un peuple de Sibérie qui a pu préserver ses traditions grâce à l’inaccessibilité de leur lieu de vie. Ils habitent très haut dans la montagne là où il fait très froid, même en août, pour élever leurs rennes. Il faut plusieurs jours à cheval pour espérer trouver un de leurs campements. Pas de route bien-sûr. Il faut donc du temps, de l’organisation et de l’argent pour une telle expédition, ce que nous n’avons pas vraiment. Et puis c’est le dilemme de l’ethnologue qui se pose. D’un côté l’envie de rencontrer ce peuple unique et d’expérimenter leur mode de vie totalement adapté à leur environnement, et de l’autre, le risque que leur mode de vie justement se perde de plus en plus vite à mesure qu’ils rencontrent des touristes comme nous. Personnellement, je n’aime pas la « commercialisation de l’expérience Tsatan ». Je préfère passer mon tour. Nous décidons de rester quelques jours au bord du lac simplement pour se reposer et profiter du lac Khovsgol.

A l’ouest, une « route » qui passe entre le lac et la montagne. Cette voie d’accès a laissé la porte ouverte à l’installation de nombreux camps de yourtes pour touristes, la version européenne du camping. Nous décidons de profiter de la moto pour aller explorer l’est. Le ciel reflète dans le lac en des nuances de bleu pures et lumineuses. Une petite plage déserte. Nous voilà dans l’eau fraiche, 14° à ce qu’on nous a dit. L’homme du sud-ouest grimace un peu, mais une fois mouillés, c’est un régal. L’eau est transparente.

Nous nous rendons compte que, de la côte est, nous ne pourrons explorer qu’une toute petite partie. Notre moto a ses limites, elle est un peu plus basse que celle de la plupart des mongols et ne nous permet pas de sillonner les pistes plus accidentées. Ici en dehors des villages, la moto et le cheval se disputent la première place des moyens de transport. Les mongols montent à moto comme ils montent à cheval (la plupart des mongols ont d’ailleurs les jambes très arquées à cause de cela, c’est impressionnant). La famille s’agrandit ? Inutile de faire l’acquisition d’un monospace. Les parents et les 3 enfants dont le petit dernier bébé sur une moto, c’est courant ici. La moto sert aussi pour aller garder et rassembler les troupeaux. Au même titre que le cheval. Mathieu devient vite un motard-nomade. Il slalome à merveille entre les bouses, sait négocier les priorités avec les chevaux, moutons, vaches ou autres yaks, déniche les passages entre bosses et crevasses les moins douloureuses pour mon postérieur (bah oui, derrière ça secoue !). Un autostoppeur sur le bord de la route ? Allez, on le prend, à 3 sur la moto, facile !

Nous passons notre 4ème jour dans la salle commune de l’auberge où nous logeons. Une chappe de gris s’est posée sur le lac la nuit et la pluie tombe en continue toute la journée. Echanges avec les autres voyageurs étrangers qui parcourent au moins eux aussi l’Asie. Nous apprenons aussi à jouer à un jeu de cartes mongols avec les enfants-ado de l’auberge qui donnent aussi des coups de mains à la cuisine et dans les yourtes et chambres. La gestion de l’auberge se fait en famille. -Le chauffeur klaxonne les moutons pour qu’ils dégagent la piste-. Comme refuge de nombreux voyageurs, cet endroit a des arguments qui font sa réputation. Des françaises rencontrées quelques jours plus tôt chez Saraa nous avaient conseillé ce lieu car « ils font des spaghettis à la tomate avec du vrai fromage !». Ce petit séjour avec des bouillons de légumes et des spaghettis à la tomates (au même prix que des plats de viande) a été réconfortant pour mon bidon qui commençait à saturer du mouton. Un livre plus tard, le ciel ne s’éclaircissant pas, nous décidons de retourner à Mörön.

Chez Saraa, nous retrouvons des visages connus, certains sont repartis, des nouveaux sont arrivés. Avec Saraa et les autres volontaires, nous raccompagnons Marc, un français, à la gare routière pour un retour précipité par un triste événement. Si loin de chez soi, un esprit de famille se recrée naturellement autour de lui. Les liens se créent très vite en voyage.

Une journée de préparatifs à laver le linge, étudier les itinéraires, passer le relais à un italien pour les cours d’anglais et nous voilà prêts pour entreprendre un long voyage en autostop entre doutes et excitation. Nous échangeons quelques embrassades et cadeaux et Saraa de nous déposer au bout de la route à la sortie de Mörön. En plein soleil en compagnie d’un troupeau de moutons et de chèvres, je prépare notre pancarte : OUEST. En cette saison très touristique, ma soif de contacts authentiques avec les mongols n’a pas été épanchée. A quelques exceptions près, nous avons rencontré soit des voyageurs étrangers comme nous, soit des mongols dans une relation marchande ou d’intérêt. L’autostop me semble être un bon moyen à explorer. Nous avons tout lu sur l’autostop en Mongolie. Du « c’est impossible » à « nous avons rencontré des gens super qui nous ont invité à dormir chez eux ».

Nous attendons. Beaucoup de voitures s’arrêtent, même si elles sont complètes (oubliez les standards européens, une voiture classique « complète » ici compte plus certainement 7 personnes avec des bagages sur le toit). Ils sont curieux et veulent nous aider. Ils ne comprennent pas pourquoi nous faisons du stop et nous invitent tous à retourner à la gare routière de Mörön.

Attente encore. Je m’entraine à imiter les cris des moutons. Doutes. Un vieux camion pickup s’arrête. Un conducteur avec un passager dans la cabine. Pas très aimable, mais d’accord pour nous prendre jusqu’au prochain village. Nous montons à l’arrière. Poussière et inconfort des secousses. Mais nous sommes contents, au moins nous réussissons notre premier départ. A défaut d’échanges avec le conducteur, nous avons de l’arrière du camion une vue imprenable sur les paysages mongols. D’un côté des collines vertes et arrondies, de l’autre de la roche rouge et escarpée, ou encore des montagnes recouvertes de forêts au sommet et une rivière. En fin de journée, nous arrivons au village et nous arrêtons en périphérie. Le conducteur et le passager discutent avec d’autres personnes. L’un d’entre eux est l’instituteur du village et parle un peu d’anglais et un peu de russe. Partage de bonbons, séance photo (c’est nous qui sommes photographiés). Nous apprenons donc que notre camion va jusqu’à Oulangom, notre destination. Mathieu est enthousiaste à l’idée d’avoir d’ores et déjà trouvé de quoi parcourir tout notre itinéraire. Le conducteur accepte de nous garder. Nous croiserons le prochain village dans de nombreuses heures. Où vont-ils dormir ? Eclats de rire de l’instituteur et des autres. Dans le camion ! Vous avez une tente ? Non mais nous sommes ok pour dormir à la belle étoile. Sourires. Nous comprenons qu’il risque de faire froid. -Un énorme boum vient d’immobiliser notre bus-. Nous repartons en camion, lentement mais surement. Pause dîner dans un petit restaurant (une soupe de pâtes au mouton avec du thé salé). On nous demande de sortir notre carte de la Mongolie qui fait sensation à chaque fois ! La nuit commence à tomber. Le camion s’arrête et nous comprenons que nous allons dormir ici au milieu des steppes avec seulement une yourte et un troupeau à quelques centaines de mètres de là. Nous nous équipons en vêtements chauds et en sac de couchage prêts à dormir à l’arrière du camion. Le spectacle de la voie lactée et des étoiles filantes s’offre à nous sans aucune pollution lumineuse. Le spectacle du froid glacial arrive lui aussi très vite. Très mauvaise nuit. Au petit matin, nous attendons avec impatience les rayons chauds du soleil. Nous faisons le calcul. A ce rythme-là, il nous faudra encore passer une ou deux nuits à la belle étoile avant d’arriver. Le conducteur a l’air perdu. Il demande son chemin à des nomades, nous voyons sur notre téléphone que nous ne prenons pas la route la plus directe. Après une négociation monétaire ardues (toutes les occasions sont bonnes pour gagner de l’argent !), nous décidons de quitter nos 2 compères, qui avaient tout de même finis par sourire. Ils nous laissent donc à une « aire d’autoroute » au croisement de deux « axes » plus importants (tout est relatif). Après un excellent yaourt mongol probablement du lait d’une vache d’ici (on ne peut pas plus local !), nous attendons notre prochain véhicule en compagnie de nos deux nouvelles petites copines, les filles des deux petits restau. Entre deux voitures auprès desquelles nous accourons avec notre pancarte, nous rigolons bien avec elles. -Ça y est, nous repartons après une réparation minute-. La morve au nez, la sucette à la bouche et quasi toutes les dents cariées, elles sont de vrais petits pots de colles, au sens propre comme au sens figuré ! La réalité que nous avons constaté de nombreuses fois est que les enfants ici mangent énormément de sucreries, coca, glaces, chips… La récré d’anglais chez Saraa était consternante sur ce point. Faute de tradition de repas à horaire fixe, et de cuisine variée, le marketing des sucreries fait un tabac en Mongolie, les déchets avec. Dans les mini-market de Mörön, au moins la moitié des quatre petits rayons étaient réservés à des sucreries. Les bonbons ont également leur place sur le très maigre étal des fruits.

Après quelques secondes d’hésitation, un gros 4x4 moderne s’arrête. Un couple avec une petite fille seulement à l’arrière et un coffre déjà bien rempli (c’est l’objet de l’hésitation). Partie de tétris pour caser nos sacs et nous voilà partie pour le village prochain, Nomrog, à 70km de là avec cette gentille famille. Confort d’un siège et de la clim’. Le mari parle russe pour avoir étudié à Moscou. Ils viennent d’Oulan-Bator en vacances pour rendre visite à son frère. Très sympas, nous passons un bon moment en leur compagnie et ils nous amènent comme prévu à Nomrog. Comme c’est la fin de la journée, le mari nous indique un petit hôtel et l’heure à laquelle le bus, qui fait Oulan-Bator - Oulangom, devrait passer le lendemain. Entre 7h et 9h. Je rêve d’une bonne douche et d’une bonne nuit de sommeil. Pour la douche, on repassera. Dans cet hôtel vide, il n’y a qu’un petit robinet dans l’entrée (les wc à l’extérieur, cela va sans dire). Les mongols ont un rapport assez particulier avec l’intimité. Traditionnellement, toute la famille habite dans une yourte. De plus, n’importe qui peut entrer à tout moment et se voir offrir du thé ou un repas, c’est la tradition d’accueil évidente pour un peuple qui vit isolé. Alors où et comment se lavent-ils, se font-ils des câlins ? Mystère. Et pour la bonne nuit, les mongols ont cette fâcheuse tendance à dormir sur une planche de bois avec un petit matelas (comme ceux que nous mettons sur nos transat l’été !). Ce sont des durs à cuire, le confort n’est pas pour eux.

Allez, à 7h45, nous recevons un accueil chaleureux dans le bus présent à l’appelle (nous avons besoin de reprendre des forces avant de se relancer dans le stop). Notre présence questionne et les russophones viennent aux nouvelles. Pause à une « aire de service » comme dit Mathieu : trois yourtes resto côte-à-côte au milieu de nulle part. Par la fenêtre, des steppes, des petits lacs (certains salés reconnaissables à leurs plages blanches), des montagnes (de moins en moins), des troupeaux de moutons, de vaches, de chevaux et de plus en plus… de chameaux. A mesure que nous progressons vers l’ouest et le sud, nous quittons la Sibérie et ses forêts et nous rapprochons du désert de Gobi et des montagnes de l’Altaï.

PS : la dent de Mathieu se porte plutôt bien. Après sa dévitalisation à Irkoutsk, la dentiste d’Oulan-Bator n’a pas pu terminer de la soigner, car elle était encore un peu infectée. Mais elle nous a confirmé que le « remplissage temporaire » de la dent par la russe était du bon travail et pouvait tenir 6 mois. On aura donc plus tard l’occasion de tester le dentiste chinois. A suivre