Si tout se passe comme prévu, nous serons demain en Chine. Il est 19h30 et nous nous trouvons dans un mini-bus qui doit nous emmener en 12h à Bulgan, un village mongol à la frontière chinoise. Arrivée prévue à 2h du matin. Musique mongole en stéréo. Conducteur et passagers chantent de plus en plus fort à mesure que la nuit s’installe. Le petit garçon derrière moi vient de vomir par la fenêtre. Ça arrive vraiment très souvent… Les mongoles montent à cheval avant de savoir marcher, mais ils ont l’estomac fragile en voiture !

Nous en avons fait des kilomètres cette semaine. Notre trajet en bus en direction de l’ouest à Oulangom s’est parfaitement bien passé et la route cabossée s’est transformée à un moment donnée en une route lisse et goudronnée. Les sols mongols regorgent de charbon, or et autres minerais. Les routes se construisent là où il y a des richesses à exploiter. Passage le long de cet immense lac de Kiargass au milieu d’un environnement presque désertique.

Nous arrivons à Oulangom finalement plus tôt que nous l’aurions imaginé. Oulangom est une petite ville capitale de province d’environ 30 000 habitants. Nous ressentons immédiatement une grande influence russe (une route mène assez rapidement à la frontière) dans les bâtiments et infrastructures : des immeubles de style soviétiques, des terrains de sport, des trottoirs, des places avec des statues de héros de guerre, des bancs. Mais tous ses équipements datent. Nous avons l’impression que tout a été construit il y a quelques dizaines d’années et que tout investissement a maintenant cessé. Après un rapide coup d’œil dans la rue principale, nous optons pour un hôtel qui semble plutôt moderne, histoire de reprendre des forces. La chambre correspond a priori aux standards occidentaux avec même, une salle de bain dans la chambre et des matelas. Nous nous emballons un peu vite. Les mongoles excellent dans l’art de vivre le nomadisme et le montage et le démontage des yourtes. Ce ne sont en revanche pas de grands bâtisseurs. Amis portugais et autres experts du bâtiment, venez faire fortune en Mongolie. Notre douche, qui n’est pas étanche, est bien entendue froide et surtout, nous nous retrouvons enfermés à l’extérieur de la salle de bain. Sans parler des prises électriques qui ne fonctionnent pas. Ahahah ! Des serruriers et des électriciens aussi ! Nous imaginons des mongols interrogatifs devant les éléments de la douche en kit…

Fort de cette nuit reposante (une fois que la discothèque du sous-sol eut cessé sa musique !), nous voilà reboosté pour retenter le stop. Objectif : atteindre Khovd et passer quelques jours là-bas avant la fin de notre visa. Nous nous postons donc sur la route censée nous emmener à Khovd. Apparemment, quelque chose ne va pas. Un homme passe nous prendre pour nous déposer ailleurs, là où les voitures passent pour emprunter une route goudronnée. Après un petit temps d’attente, un autre homme s’arrête et veut nous emmener ailleurs. Serions-nous encore sur une mauvaise route ? En réalité, il nous emmène à côté du marché dans une sorte de gare routière. Là, de nombreux mini-bus attendent de se remplir. Quand le mini-bus est plein, il peut partir. Ça peut durer des heures, voire être reporté au lendemain. Alors que nous attendons, une voiture nous interpelle. Ils partent à Khovd bientôt et cherchent d’autres passagers pour optimiser le trajet. Les mongols n’ont pas attendu blablacar pour faire du covoiturage. Entente sur un prix et nous montons dans la voiture. Nous ferons nos 6 heures de trajet avec 4 autres adultes et 2 enfants ! Très vite, le bitume devient de la piste. Ça secoue sévère, mais nous sommes bien calés épaules contre épaules. Paysages désertiques. Un autre lac. Par moments, seuls quelques buissons secs subsistent dans la végétation. Des troupeaux de moutons ou de chameaux (mais que mangent-ils ici ?). Des carcasses. Une sorte de renard blanc passe devant nous. Puis au loin la chaîne de montagnes de l’Altaï avec de la neige sur quelques sommets. Nous en prenons plein les yeux. Nos covoitureurs sont super sympas même si bien évidemment, la communication reste limitée sans langue commune. Nous nous rapprochons de Khovd et d’un seul coup nous trouvons un paysage complètement verdoyant. Au milieu de la caillasse et de la poussière pousse des oasis de verdure qui suivent les cours d’eau. Les enfants se baignent et s’amusent dans les sources. La voiture s’arrête devant des camions remplis de pastèques. Orgie de pastèques dans la voiture. Tout le monde a le sourire. Ça dégouline. On jette les pépins par la fenêtre (enfin s’il n’y avait que les pépins...). La région est réputée pour sa culture de pastèques et nous arrivons en plein dans la saison ! Un régal qui change du mouton ! A Khovd cohabitent plusieurs groupes ethniques, dont les kazakhs. Ce sont eux qui ont importés l’agriculture.

Nous arrivons dans cette ville pour quelques jours. L’empreinte soviétique est atténuée par la proximité de la Chine et les influences du Moyen-Orient. Quelques jolies mosquées font leur apparition. Notre covoitureur nous dépose devant un petit hôtel situé devant un supermarché. Il redouble d’enthousiasme en nous indiquant LE supermarché où il faut aller (les grands supermarchés tels que nous les connaissons en France n’existent pas en Mongolie). A peine plus grand qu’un tout petit supermarché français, il propose des produits d’importation, du genre de ceux que l’on peut retrouver partout dans le monde, de l’alcool, des sucreries et de l’électroménager. Pour eux, cela semble sensationnel…

Khovd est située tout près d’un immense parc naturel avec de grands lacs et marécages, refuges de nombreux oiseaux migrateurs. Nous décidons d’aller voir le sud-est du lac noir de plus prêt… à pieds, il n’y a pas de transports publics. Un camion d’ouvriers s’arrête et nous invitent à monter avec eux. Discussions en russe assis sur des plaques de bétons à l’arrière du camion. Ils nous rapprochent de notre destination et nous offrent une pastèque ! Nous marchons avec le lac en ligne de mire. Avant d’atteindre la fraicheur et la verdure, il faut traverser la caillasse désertique. L’immensité et le vide autour de nous me font perdre mes repères. Ce lac qui semble si près est en réalité à une 10aine de kilomètres !

Après une journée de repos (le transport, ça fatigue !), nous décidons d’aller explorer l’ouest du lac et le fleuve Khovd qui l’alimente. Nous nous régalons du silence, de la verdure et des oiseaux. Au retour, une famille nous prend en stop-taxi (ici, tout le monde est taxi). Il suffit de tendre son bras devant et quelqu’un s’arrête et s’improvise taxi. Grâce à la traduction sur le téléphone, nous sympathisons avec eux et ils nous invitent à diner chez eux en périphérie de Khovd. La maman s’active au magasin puis en cuisine. Nous nous retrouvons pendant un temps tous seuls dans la petite maison composée d’une chambre, d’une cuisine, d’un salon et d’une entrée ! Puis les 4 enfants, plus la cousine, sont bientôt rejoints par des voisins. Nous sommes la curiosité. Nous sommes sur le canapé avec une table basse devant nous couverte de pastèque et de melon, du thé au lait salé, des biscuits, du saucisson et des concombres, puis un bol de ragout de mouton. Nous discutons tant bien que mal grâce à la traduction et nous rigolons bien avec les enfants. Séance photos. Puis on nous demande de sortir avec les filles et la maman. Direction la place centrale où nous nous retrouvons à pédaler sur une rosalie en musique. Les rollers fluorescents se sont donnés rendez-vous. Les filles pavanent à nos côtés. Des brochettes de viande et des stands de fléchettes pour agrémenter le tout. Mathieu gagne des peluches qu’il offre aux filles (le Seigneur !). Soirée étonnante ! Elles nous raccompagnent à notre hôtel et nous leur offrons un petit cadeau pour les remercier. 10 minutes après être rentrés, on frappe à notre porte. La grande fille et son amie que Mathieu avait surnommé Lady Gaga à cause de ses lunettes de soleil (ça l’avait bien fait rire !) sont devant la porte et nous réclament une bonne somme d’argent pour le repas et la soirée. Nous sommes abasourdis. Nous leur donnons l’équivalent d’un repas au restaurant. Nous ne comprenons pas. Nous pensions avoir été chaleureusement invités. Nous avons maintenant le sentiment d’avoir été trompés pour de l’argent. Que n’avons-nous pas compris ? Est-ce notre statut d’occidental qui change les comportements ? Une différente interprétation des relations humaines, de la symbolique de l’argent. La question reste posée. Il faudrait, je pense, des années dans un pays pour en saisir toutes les subtilités culturelles.

Il fait maintenant nuit noire et le chauffeur vient de déposer un colis à une personne au bord de la route avec une lampe torche (oui, en Mongolie, avec des routes quasi-inexistantes et un peuple nomade sans adresse fixe, il n’y a pas de service postal). Nous venons de quitter la route goudronnée… Dernier périple mongol avant la Chine. A suivre…