Sydney est une ville très agréable et me fait un peu prendre la mesure du mode de vie à l’australienne, à base de surf et autres sports d’eau et de plage, de pubs, d’espace et de tranquillité. Vraiment, il fait bon vivre à Sydney. A part la qualité médiocre des transports en communs qui peinent à couvrir l’étendue du territoire urbain et encourage la possession de voiture privée, la ville est plutôt agréable et fluide. Avantage d’une ville côtière, il faut peu de temps pour tomber sur une plage. Les surfeurs sont nombreux. Au bord de la plage de sable fin, le pub du club de surf où les parents, une bière à la main, peuvent garder un œil sur les enfants qui jouent et un autre devant le match en cours à l’écran. Les perroquets et autres oiseaux colorés qui volent librement nous rappellent de quel côté du globe nous sommes. Le sentier qui longe la côte et nous fait surplomber la mer agitée depuis les falaises nous fait oublier l’espace d’un instant que nous sommes dans une ville de 5 millions d’habitants. On dirait qu’il y a de l’espace pour tout le monde. Même dans le centre touristique avec le fameux Opéra, il n’y a pas foule. Peut-être dû à la saison. Ici, c’est l’automne et il commence à faire un peu frais. Nous ressortons la chemise à manches longues, oubliée depuis un moment. Mais bon, même au plus froid de l’hiver, les températures ne descendent pas en dessous de 10°C me rassure Nathalie chez qui nous logeons. D’ailleurs, ils n’ont même pas de système de chauffage dans leur maison située en banlieue de Sydney.

Sydney me paraît être un mélange intéressant entre l’Angleterre et la Floride. D’un côté la culture anglaise avec sa nourriture, ses pubs et son esprit libre de jugement. D’un autre côté, la culture des côtes américaines avec ses plages de sable blanc façon « alerte à Malibu », sa culture du surf et le « tout est possible » sur cette « terre d’immigration ». Enormément d’étrangers, et surtout dernièrement des asiatiques, se sont implantés en Australie principalement dans les villes comme Sydney. Ajouter à cela des jeunes du monde entier qui se pressent de se remplir les poches pour une ou deux saisons (et qui finissent parfois par s’installer). Si bien qu’au final, Sydney possède désormais davantage une identité cosmopolite. D’ailleurs, la plupart des australiens, s’ils ne sont pas eux-mêmes nés à l’étranger, ont un parent ou grand-parent qui est né en Europe ou en Asie.

Nathalie nous emmène très gentiment à l’aéroport (10 min en voiture contre 1h30 en transport !?!) et nous nous envolons pour Tahiti avec une courte escale au pays des kiwis. A l’aéroport de Sydney, je peste de ne pas trouver d’endroit pour remplir notre gourde d’eau vidée pour le contrôle de sécurité. Eau chaude dans les toilettes, fontaine à eau ne permettant pas de remplir une bouteille... et des bouteilles plastiques très chères à l’achat. Les australiens ont encore beaucoup de progrès à faire en matière de gestion des déchets ! Nathalie, avec une conscience écologique certainement supérieure à la norme australienne, qui se faisait livrer ses paniers de légumes depuis une sorte d’A.M.A.P., constatait à quel point l’Australie était en retard. La suppression des sacs plastiques dans les supermarchés devrait être effective cet été, enfin.

Nous partons donc un vendredi matin à 9h depuis Sydney pour arriver, escale comprise, vendredi à 2h du matin à Papeete, c’est-à-dire que nous arrivons avant d’être partis, magie du décalage horaire. Nous avons remonté le temps en passant de GMT+10 à GMT-10 ! Après une bonne nuit, nous revivons notre deuxième vendredi à Tahiti.

L’accueil polynésien se fait immédiatement dès la sortie du tarmac. Un petit groupe de musique polynésienne accueille les touristes, même à 2h du matin. Surréaliste ! Et puis nous recevons un joli collier de fleurs dans la pure tradition locale de la part de nos amis Cathy et Titou. Dans le hall des arrivées de l’aéroport, ça embaume les parfums floraux ! Ils se sont adorablement relevés pour venir nous chercher. D’autant plus appréciable lorsque l’on sait qu’ils se lèveront très tôt le lendemain matin pour aller travailler. Ici, le jour se lève vers 5h30 – 6h et le soleil se couche vers 18h. Les habitudes des tahitiens sont donc clairement avancées par rapport à la métropole. Les magasins ouvrent en général à 7h et ferment à 16 ou 17h. Nous prenons naturellement ce rythme en sachant apprécier de magnifiques levés de soleil. Depuis la fenêtre de notre chambre, nous avons une vue sur Papeete puis plus loin, l’île de Moorea. Un matin, la pleine lune encore éclatante rivalise avec le ciel rose. Extra !

Le marché du dimanche est donc naturellement lui aussi calé sur le soleil. Nous sommes prévenus, il faut se lever à l’aube pour espérer profiter des bonnes choses. Après 8h, il n’y a plus grand chose sur les étals. Et le dimanche, c’est fête sur le marché. La nourriture coûte quand même assez chère. Les produits industrialisés bien évidemment, subissent le coût de l’importation et des taxes. Mais à ma plus grande surprise, la plupart des fruits et légumes et même le poisson frais coûtent relativement chers également. Tama, un ami tahitien de Cathy et Titou : « Whaou ! Faut être riche ici pour être végétarien ! » La malbouffe à base de poulet industriel importé de Nouvelle-Zélande est malheureusement plus clémente avec le porte-monnaie… L’obésité importante en est-elle la conséquence où était-elle déjà là quand la malbouffe est arrivée ? Nous partons donc de bon matin découvrir les spécialités qui vont nous offrir un bon festin dominical. Des poissons exotiques ainsi que de gros morceaux de thon attendent le client sur la glace. Des stands de fruits et de légumes côtoient des stands de monoï, de perles et de paréo. De la musique polynésienne dans les haut-parleurs. Il y a foule, il faut parfois jouer des coudes pour atteindre le stand de lait de coco fraîchement pressé. Au menu : une salade de poisson cru (thon rouge) à la tahitienne amoureusement préparée par Cathy, à base de lait de coco, de concombre, oignon et carotte et de jus de citron vert ; toutes sortes de légumes racines comme le taro, la patate douce ou l’igname ou également des bananes et des urus (fruit de l’arbre à pain) qui se mangent cuits ; du gâteau coco ; le fafaru que Cathy a tenu à nous faire gouter et que beaucoup ont regretté (du poisson cru fermenté dans de l’eau de mer !) ; du poe à la banane ou au potiron, à base de compote de fruit/légume, d’amidon et de lait coco, le tout sucré (un délice !) ; et puis aussi quelques spécialités chinoises (Tahiti ayant accueilli de longue date une immigration chinoise qui s’est faite une bonne place dans la tradition culinaire). Brunch gargantuesque ! Merci Cathy et Titou pour la découverte !

Au marché, nombreux sont les militants déployant drapeaux et affiches. Nous sommes à une semaine du deuxième tour des élections du gouvernement polynésien. Le bleu ciel pour les indépendantistes ; le orange pour les autonomistes « qui font ce qu’ils disent », avec à sa tête Gaston Flosse, surnommé par certains le roi des voleurs ; et le rouge pour les autonomistes de droite. La mobilisation de la population me surprend. Partout sur Tahiti, des drapeaux revendicateurs aux fenêtres des maisons ou des voitures. Il y a aussi des défilés de véhicules à l’effigie d’une couleur qui bloquent la circulation et se montrent pour tenter d’influencer les électeurs. Et la mobilisation s’intensifie jusqu’au jour de l’élection avec des attroupements devant les lieux de vote. La croyance populaire dit qu’un indécis finira par voter pour celui dont il a vu le plus la couleur avant de mettre le bulletin dans l’urne. Les rouges finissent par l’emporter. Apparemment, c’était prévisible. La Polynésie restera française encore quelques temps. Enfin partiellement, puisqu’elle bénéficie d’une autonomie de gouvernement. Seules les fonctions régaliennes sont du ressort de l’état français, c’est-à-dire défense, police, justice, trésor. Enfin, c’est déjà pas mal ! L’influence française est bien présente partout. Les polynésiens parlent un français avec des R délicieusement roulés. Ils ont aussi gardé le tutoiement omniprésent et bien plus sympathique (le vouvoiement trahit tout de suite le touriste français). Il y a pas mal de français de la métropole à Tahiti. Les locaux les surnomment les popa’a. Les compétences des diplômés français sont recherchées tandis que beaucoup de jeunes tahitiens partis étudier en métropole décident de s’y installer. La présence de nombreux métropolitains change la donne économique des îles. Les plus hauts salaires des popa’a font augmenter le coût de la vie pour les locaux.

A Tahiti, nous remarquons la présence de nombreux mahu (prononcer mahou), sorte de troisième genre. Ce sont des hommes qui ont une attitude (vestimentaire, comportementale) qui se rapproche de celle des femmes. Pour autant, ils ne cherchent pas à cacher coute que coute leurs attributs masculins (ils ne cherchent pas à changer de sexe). Leur statut de mahu, issu de la tradition polynésienne, leur confère un rôle bien spécifique. Souvent ils sont ceux qui gardent les enfants. La langue tahitienne, contrairement à la langue française, ne marque pas le genre (il ou elle). C’est peut-être la conséquence (ou la cause ?) d’une liberté de genre totalement accepté dans la culture tahitienne.

Randonnées dans l’intérieur de l’ile, dans les montagnes. Pour moi, la Polynésie est vraiment le pays des fleurs. De nombreux arbres dans la forêt sont couverts de fleurs. Sur notre trajet, nous ramassons avocats, mangues, mape (châtaignier tahitien) ou caramboles. Il fait chaud et nous apprécions nous baigner dans les trous d’eau des rivières fraiches. Point de vue sur l’océan pacifique et les récifs de coraux tout autour de Tahiti qui cassent les vagues pour créer un lagon aux eaux plus tranquilles.

Papeete est une ville classique avec toutefois de nombreux murs joliment peints. On reste tout de même loin de l’image de la carte postale avec des plages de sable blanc et des cocotiers. On y voit surtout les montagnes et la côte rocheuse. Dans un tour de l’île que nous faisons en voiture en 2 heures, nous découvrons le trou du souffleur (réputé pour son grondement !), de belles cascades et de beaux points de vue, notamment depuis la presqu’île. Il faut aller dans les atolls un peu plus loin pour voir les plages paradisiaques. Il n’y a à Tahiti que quelques plages publiques, pour la plupart de sable noir. Les autres plages sont privées, c’est-à-dire que les familles tahitiennes possèdent traditionnellement des tranches de terrains qui vont de la montagne au lagon. Le fameux Tama habite justement une maison sur la plage. Nous y allons passer une soirée les pieds dans le sable autour d’un feu de bois. Magique ! Et quel privilège de voir les couleurs de l’aube les pieds dans l’eau !

Bon quand-même, ce serait dommage de ne pas l’expérimenter, l’image de la carte postale. Mais ces îles sont si loin à plusieurs centaines de kilomètres. La compagnie aérienne locale a tout prévu avec des packages permettant de voler d’une île à l’autre (les îles les plus grosses ont toutes une petite piste d’atterrissage). Mais ce n’est pas franchement dans notre budget. Et puis ça ne colle pas à notre façon de voyager depuis le début, au plus près des locaux. Il y a bien des cargos de fret qui livrent les atolls au départ de Papeete. Mais chacun d’eux ne prend en général que 12 passagers et privilégie les agriculteurs et les locaux. Les prochains cargos avec de la disponibilité ? Août ! Ah oui, ça fait un peu long. Mais à la lecture d’un autre blog de voyageurs qui ont visité la Polynésie en cargo (https://laoulenvienousmene.com/2017/11/16/la-polynesie-en-cargo/), je comprends qu’il faut certes un peu de chance, mais aussi de la persévérance et que ça peut payer. La dame du cargo Cobia 3 m’indique qu’il faut appeler le vendredi pour savoir s’il y a des désistements pour le départ du lundi. Auquel cas, nous pourrons acheter notre place (à prix réduit comparé à l’avion). Nous nous rendons sur place le vendredi matin et là, banco !

Nous partons donc lundi après-midi avec notre tente et un sac rempli de provisions (pas de nourriture sur le bateau) pour arriver mercredi matin sur l’atoll de Fakarava. Nous aurons même le privilège de dormir sur des couchettes (et non sur le pont comme sur certains cargos). Royal !

Nous empruntons les masques de Cathy et Titou… à nous les poissons !