13/11/2017 – Muong Kham – Laos – par Priscilla

Nous sommes arrivés hier au Laos après quelques péripéties frontalières.

Avant cela, nous parcourons le nord Vietnam d’est en ouest en passant par Ninh Binh et Mai Chau. Nous avalons des kilomètres de routes vietnamiennes sur notre Lucky (c’est le petit nom de notre moto !). La route est semée d’embuches. En excellent pilote, Mathieu réagit à tout ce qui se présente :

·      Traversée régulière de chiens, buffles, chèvres, cochons et toute la basse-cour (quand ils ne font pas la sieste en plein milieu de la route)

·      Groupe d’écoliers à vélos à 4 de front

·      Scooter qui traine derrière lui des bambous de 4-5 mètres

·      La moitié de la route éboulée dans le ravin

·      Une charrette tirée par un bœuf

·      Droit devant, un camion qui double un scooter qui double un vélo

·      Une marchande de fruits à bicyclette qui fait son commerce

·      Papi qui sort de chez lui sans regarder

·      Des céréales qui sèchent sur une bâche qui empiète sur la moitié de la route

·      Un scooter qui arrive sans éclairage en sens inverse

·      Un tas de sable et une bétonneuse

·      Les enfants qui nous font coucou !

·      Deux gamins sur un scooter qui échangent de conducteur en roulant

Bref, au Vietnam, la route ne semble être qu’une extension des trottoirs (quand il y en a), eux-mêmes extensions des maisons. Ils ont gardé leur façon de vivre malgré la circulation grandissante. C’est aux conducteurs motorisés de s’adapter. Ou de klaxonner. En l’absence de règles de circulation communes, deux règles s’appliquent à chacun. La règle du plus gros qui gagne (sauf exception, le camion gagne sur la voiture, le scooter sur le vélo… le buffle sur le scooter) et la règle du « mon objectif est d’aller là-bas » (je klaxonne ceux qui se trouvent sur mon passage et je prends le chemin le plus direct).  

Les habitants doivent aussi s’adapter aux ambitions démesurées des autorités qui créent par exemple à Ninh Binh une 2 x 3 voies avec un mur de séparation entre les deux sens de circulation. Ça en jette pour les quelques bus de touristes mais c’est une galère pour les habitants de part et d’autre pour qui il est compliqué et surtout dangereux de traverser. Inutile de surcroit, pour une population qui se déplace majoritairement en deux roues.

Dans la région de Ninh Binh, nous logeons dans une petite chambre d’hôtes à l’écart de la ville, au milieu des terres inondées de la baie d’Ha Long terrestre. Effectivement, des rochers karstiques similaires à ceux de la baie d’Ha Long sortent de terre ou des marais. Des vietnamiens et vietnamiennes en barques, qui rament avec leurs pieds, attendent les touristes pour la balade. Nous visitons une pagode bouddhiste accrochée aux roches noires et un parc aux oiseaux où notamment des cigognes viennent nicher. En balade en vélo dans les villages alentours, nous tombons sur une église. En réalité, il y a beaucoup d’Eglises dans cette région qui a été « facile » à évangéliser. Les femmes d’un côté, les hommes de l’autre, principalement des personnes âgées, tout le monde chante dans l’Eglise, une messe en plein milieu de l’après-midi, sans prêtre. Les femmes me demandent d’entrer dès qu’elles m’aperçoivent. Très vite, l’une d’entre elles me demande de la « good money », à mettre dans l’urne. Après y avoir mis quelques billets, elles ne veulent plus nous laisser partir ! La famille chez qui nous logeons est adorable. La grande sœur nous prépare de bons petits plats et nous avons de bons échanges dans la cuisine (toujours squatter dans les cuisines !). Ils sont tous très serviables. Trop peut-être. Tout comme avec le papa de la famille Sweet Potato, j’ai du mal avec cette façon de se rabaisser en se mettant au service des touristes. Je préfère les relations d’égal à égal. Si les vietnamiens ont toujours été à ce point serviables, il a dû être facile pour les colonisateurs avides de domination d’occuper le territoire !

Quelques jours de dépaysement à Ninh Binh nous auront pourtant suffit. Le tourisme à grande échelle pratiqué ici nous incite à partir vers le nord-ouest, dans les environs de Mai Chau. Là-bas habite la communauté des taïs noirs. Nous retrouvons le même genre de maisons sur pilotis qu’il y avait chez Tien. Nous dormons dans une petite cabane sur pilotis en bambou, vue sur la rivière. Nous pouvons écouter la nature toute la nuit, y compris les faux départs des coqs des environs à 3h du matin. Les autorités ont obligé les maisons d’hôtes à installer le confort occidental : lits avec matelas et douches et toilettes assises. Mais les installations sont brinquebalantes. Evidemment, le plancher troué en bambou qui craque n’est pas fait pour recevoir de telles installations. Quel non-sens !

Notre maison d’hôte semble être la plus réputée du coin pour sa nourriture. Bien sûr, je fais un passage en cuisine et me retrouve à faire les délicieux rouleaux de printemps pour le repas du soir.

Une voisine est accroupie et coupe avec un grand couteau des feuilles qui provienne d’un grand tas à côté. Je me fais expliquer qu’une fois bouillies, ces feuilles sont excellentes pour la peau lors de la douche. Sur l’île de Cat Ba, Trang m’avait aussi expliqué qu’elle utilisait la citronnelle de son jardin pour se laver les cheveux. Proximité avec la nature. J’adore.

De l’animation dans la rue. Trois chiens dans une cage se préparent pour la pesée. Ils se retrouveront bientôt dans les assiettes. Nous ne saisirons pas l’occasion d’en manger. De toute façon, ce n’est pas un met que les vietnamiens servent aux étrangers à moins qu’ils le demandent. Les voisines profitent de la balance pour se peser. Eclats de rires à deviner les poids des uns et des autres. Nous montons sur la balance. Nous avons toujours le même poids après 5 mois de voyage et malgré toute la délicieuse nourriture que nous mangeons !

Balade dans les environs. Les vietnamiens, du moins ceux qui travaillent la terre, sont vraiment des gens très courageux. Nous les voyons seuls ou en groupe accroupis dans les différents champs et rizières à faire le travail manuel. Les femmes rient entre elles. C’est difficile et joyeux en même temps. C’est certainement la nécessité de travailler à plusieurs qui amène les familles à rester soudées et par conséquent à conserver leur culture. Les vaches ici ont une belle robe marron et des yeux de biche qui me font craquer ! Au détour d’un chemin, nous apercevons deux coqs en train de se battre, spectacle provoqué et apprécié par trois hommes qui observent. Voilà donc à quoi servent ces coqs hauts sur pattes…

Un petit spectacle local de musique Taï pour la dernière soirée et il est temps de partir vers le Laos, notre visa expire bientôt.

Nous choisissons la frontière de Na Méo pour passer dans le pays voisin. Elle était citée dans de nombreux blog de voyageurs comme étant un passage relativement sûr pour passer avec une moto (il est arrivé à d’autres voyageurs de laisser leur moto entre le poste frontière du Vietnam et celui du Laos pour des régulations fantaisistes qui dépendent de l’humeur de l’officier du jour !). Nous fonçons donc tête baissée avec Lucky. Après 4 bonnes heures de route, nous nous faisons refouler comme des bleus. Tellement préoccupés de garder Lucky avec nous, nous avons oublié de vérifier si ce poste frontière était ouvert aux visas électroniques. Pas de chance ! C’est quand même une aberration. Autant pour l’entrée, je peux comprendre que le visa électronique nécessite des dispositions particulières (il faut qu’ils puissent vérifier que tout a bien été payé en ligne), autant pour la sortie, il suffit de valider le visa avec un coup de tampon. Bref… 1 journée plus tard et 400km épuisants vers le sud, nous tentons notre chance au poste frontière de Nam Can. Nous arrivons pendant la pause de midi. Les bureaux sont déserts. Pas âmes qui vivent. Vers 13h30, la salle d’attente se remplie, nous nous mettons dans la file. Les vietnamiens insèrent tous un ou plusieurs billets dans leur passeport pour l’officier. Vive la corruption. Ne connaissant pas les règles du jeu officieuses, nous nous abstenons. Notre passeport se fait tamponner sans souci, il faut maintenant passer avec Lucky. C’est là que ça se gâte. On nous demande de nous arrêter. Un haut-gradé avec au moins 4 étoiles sur ses épaulettes et qui parle un peu d’anglais nous explique que nous ne pourrons pas traverser le poste frontière laotien avec notre moto vietnamienne. Ça a changé depuis l’année dernière dit-il.

Les Primat, dépités, essayant de négocier : « Peut-être qu’il y a une taxe supplémentaire à payer ? Nous avons pourtant vu des motos passer au poste frontière de Na Méo pas plus tard qu’hier. »

L’officier, très assurément : « Ce n’est pas possible, je connais la règlementation. »

Les Primat, après quelques minutes de réflexion : « Pouvons-nous retourner au Vietnam pour vendre notre moto ? »

L’officier : « Oui, je peux faire annuler votre sortie et vous re-sortez plus tard. » Comme quoi y’a toujours moyen de s’arranger…

Les Primat : « Et que se passe-t-il si on revient après la date de sortie légale ? » Cela fait exactement 30 jours que nous sommes au Vietnam, notre visa échoit le jour même.

L’officier, embarrassé, regardant plus en détail les dates de notre visa : « A oui, ça devient compliqué… » C’est sûr, ce serait plus simple si nous acceptions sans broncher l’idée d’abandonner notre Lucky ici ! Devant notre mine dépitée, mais ne répondant pas à notre dernière question : « Attendez là 15-20 minutes, je peux peut-être vous aider. Je vais passer un coup de fil à un ami au poste frontière laotien. » L’officier s’écarte et passe (ou fait mine de passer) un coup de fil.

L’officier, avec un sourire de gentleman : « C’est bon, vous pouvez y aller. » Merci, merci ! Et bien c’était pas si compliqué ! L’officier nous demande notre métier puis combien de temps dure notre voyage. Il nous lance avec un sourire complice : « Moi je travaille et j’enfreins les règles et vous, vous voyagez… » Serrage de main solennel. Oui bon, nous nous demandons toujours quelle règle nous avons enfreint si facilement (après quelques minutes de sueur froide tout de même !).

Le poste frontière laotien n’est qu’une formalité. Aucun fouillage de sac nul part. Bye bye Vietnam ! Sabaidee Laos !