Le temps de relire ce que j'ai écrit hier et j'ai déjà dû tuer une dizaine de moustiques. Nous sommes redescendus des montagnes et les moustiques nous voient arriver comme un repas de Noël. L'efficacité de ma citronnelle reste encore à démontrer avec ces moustiques féroces qui piquent même à travers le jean's. Serioja dit que ma citronnelle n'effraie que les moustiques français mais a au moins le mérite de sentir le "Chanel n°5", ce qui n'est pas sans intérêt dans notre contexte... En tous cas, ici, ils s'appellent les kamar et dès qu'on a le malheur de s'arrêter, ils nous sautent dessus. Ils ne nous ont pas facilité la tâche dans cette rude et longue journée d'hier. D'autant plus que je me sentais un peu fiévreuse. Heureusement cela n'a pas trop affecté ma détermination à poursuivre les découvertes et nous avons quitter notre campement pour prendre le chemin du retour. La majeure partie de la journée, nous arpentons une forêt vierge, enjambons des arbres au sol pourris couverts de mousse, humus en devenir, on grimpe, on redescend... Un trou au pied d'un arbre. Ilia explique que c'est le travail d'un ours au printemps dernier à la recherche de vers. Ilia connaît très bien cet environnement. Il y est guidé et moniteur de sports en eaux vives pendant la saison d'été. Il n'y a que les lynx dont il n'a jamais croisé le chemin. Les ours, les rennes, les renards, il connaît bien. Une rivière nous barre la route. Nous devons la traverser. En bottes en caoutchouc pour certains, à pieds nus pour d'autres. Attention au courant. L'environnement tout autour ressemble exactement à celui que j'ai pu voir dans les documentaires sur les ours bruns. "Le mâle reste immobile un long moment jusqu'au moment où il plonge sa pâte puissante dans l'eau au passage d'un saumon... Manqué, le dîner devra attendre..." On marche en silence dans la forêt en espérant croiser un de ces ours. Ilia a des fusées luminescentes pour les faites fuir en cas de besoin. Une autre rivière ralentit notre progression. On cherche un pont ou on traverse ? On traverse. La marche semble n'en plus finir. On saute le déjeuner qui nous ferait perdre trop de temps. Ilia préfère qu'on arrive au plus vite près du lac où installer notre campement. Une autre rivière. Normalement il y a un pont. Ou plutôt, il y avait un pont. Un ancien barrage utilisé par les bûcherons. Le pont n'est plus trop en état, le bois un peu pourri. Ilia le teste avec beaucoup de précautions... Ça passe. Dernière ligne droite. Et au bout du chemin, la récompense : une plage de sable fin, un grand lac et une eau transparente où ciel et surface de l'eau se rejoignent à l'horizon. Whaou ! 
Il est 19h, les corps sont fatigués d'avoir marché toute la journée avec les sacs. Mais ce n'est pas encore le moment de se reposer... Il faut installer le campement. Même Ilia, celui qui ne fait qu'un avec la nature, confesse qu'il est fatigué. On installe les tentes. Corvée de champignons à préparer pour le dîner. 
Enfin, on se pose. Que c'est bon de se retrouver autour du feu. C'est notre dernière soirée ensemble. Malgré la fatigue, tout le monde reste là personne n'a envie d'aller se coucher. Les heures passent, les branches flambent, la demi-lune éclatante s'élève doucement. Comme le 1er soir, Ilia sort sa balalaïka. 
Dans quel état d'esprit chacun se trouve-t-il? Tout le monde a apprécié ce trek bien sûr pour différentes raisons. Pour ma part, l'opportunité s'est présentée de façon tellement soudaine que je n'en attendais rien de particulier à part la découverte de la nature. Et quelle nature! Quand on pense qu'ici, il fait nuit sans interruption de décembre à février et le soleil est constamment présent de mai à juillet. Dans ces conditions, forcément qu'elle a quelque chose de spécial cette nature. J'ai aussi vécu pour la première fois une expérience de trekking avec de la marche en dehors des sentiers battus, des repas agrémentés de ce que la nature a à offrir, la vie d'un campement. Serioja venait pour se prouver à lui-même qu'il en était capable. Et puis bien sûr, ce genre d'expérience ne serait rien sans les compagnons de trekking, autant amoureux de la nature que moi, et qui, même s'ils ne parlent pas la même langue, ont partagé un même petit bout de vie. 
Ilia raconte en plaisantant que le moment de ce trek le plus extrême pour lui a été lorsqu'il a vu mon sac de couchage avec comme température limite 15°. 
Je lui laisse le mot de la fin aujourd'hui :
" c'est l'histoire d'un Tchouktche (peuple du nord de la Sibérie) qui va voir le chamane pour l'interroger sur le temps qu'il va faire le lendemain. Le chamane répond qu'il va faire beau. Puis le chamane se rend chez le météorologue pour connaitre vraiment le temps qu'il va faire demain. Le météorologue répond : il va faire beau, regarde, le Tchouktche vient de partir à la chasse. "