En transit à Moscou, c'est le moment pour moi de repenser à l'ensemble de mon voyage. Quand on voyage seul, c'est pas toujours simple. Je revois avec amusement les réactions sur les visages de mes différents interlocuteurs : "Toute seule !". C'est pourquoi j'ai vécu chaque rencontre puissance 1000 (je ne suis pas faite pour vivre sur une île déserte, même si j'aime être indépendante). Alors oui, toutes ses rencontres ont fait mon voyage. Tout d'abord, DACHA, ma petite maman moscovite qui a très vite fait taire toutes mes angoisses à l'idée d'être seule. Dès le début, je me suis rendue compte que je pouvais compter sur d'autres personnes. Je l'ai surnommé en rigolant "little red squirrel" car elle a une fâcheuse tendance à perdre tout le temps ses affaires (nous sommes restées coincées en bas de chez elle dans le froid pendant 20 minutes parce qu'elle n'avait pas ses clés !). A Moscou, mon chemin a aussi croisé celui de JOSH, le timide australien surnommé "Criminal" par Dacha par ce qu'il parle très peu. Nous avons pourtant fini par bien papoter en parcourant les rues de Moscou. C'était tellement adorable qu'il m'accompagne jusqu'au train. Bien sûr, il y a eu aussi MICHA, le très pragmatique allemand (et non, la bonne organisation allemande n'est pas un mythe !) qui a discrètement veillé sur moi. Nous avons eu de longues discussions passionnées sur l'art ou encore la vie russe. Et nous avons eu de bonnes parties de dourak avec ISABELLA, la jeune allemande fougueuse et téméraire qui côtoie les activistes des droits de l'Homme et défend la planète. Ce sont des personnes comme elle qu'il faut pour imaginer l'avenir. VICTOR, le travailleur ukrainien, a lui aussi été une belle rencontre du train. Ses yeux bleus pétillants ne sont que la partie émergée d'une tête pleine de rêves. Sa gentillesse était un petit cadeau dans l'environnement confiné du train. IGOR, le moujik ténébreux, m'a aussi beaucoup marquée. Impulsif dans le bon comme dans le mauvais, c'est un vrai russe, sans demi-mesure. Il est parti du train comme il est venu, sans dire un mot. J'espère qu'il trouvera le moyen de surmonter toutes ses désillusions. ACIA, la maman douce et ANDRIOUCHA, le petit garçon soleil aux dents cariées avec qui j'ai aussi partagé le quotidien du train m'ont ouvert les yeux sur la réalité pénible de la vie pour de nombreux russes. Heureusement, le PROVODNIK, le clown à la poigne de fer, a su apporté un discours de tolérance bienvenu à l'heure où les soldats se révoltaient contre le monde entier. Et puis il y a eu l'île d'Olkhon, riche en rencontres argentines. FEDERICO, l'humble voyageur du monde qui a déjà appris la valeur du temps. J'aimerai bien sûr pouvoir le rencontrer de nouveau un jour tellement il a pu transmettre d'énergie positive. JUAN, l'aventurier solitaire, est l'autre argentin avec qui j'ai parcouru un bout de chemin. Les 2 pieds dans l'humanitaire, le prochain pas dans la politique peut-être. J'ai hâte de voir où son parcours va le mener, où et qu'est ce qui va le faire poser son sac. A Oulan Oudé, je me suis attachée à la jeune artiste en herbe VALENTINA. J'espère qu'elle va garder sa fraîcheur et son innocence et réaliser ses rêves. De VADIM, le timide businessman, je garde le souvenir très affectueux de ses tentatives maladroites de s'exprimer et de discuter avec moi. Passage en Mongolie tout en douceur grâce à DARIMA, ma babouchka mongole, il en fallait une. Nous nous sommes tout de suite plues l'une l'autre. Elle m'a soigneusement prise sous son aile le temps du voyage. Quelle chance aussi d'avoir croisé le chemin de VLAD, l'ethnologue russe avec qui nous avons échangé tant bien que mal en russe sur des sujets passionnants. 
(note rajoutée après : Alors que je croyais mon voyage terminé, voilà que je rencontre FAYCEL, dans l'avion pour Paris. C'est un entrepreneur tunisien qui vit à Paris. Il était un peu perdu à l'aéroport de Moscou et est venu engager la conversation. Le trajet passe plus vite lorsqu'on discute. J'ai découvert quelqu'un avec de vraies valeurs et la force de surmonter de grandes choses. LA boucle est bouclée, c'est presque un tour du monde que j'ai fait à travers mes rencontres.)
Voilà pour ne citer que les plus marquants... Ce sont eux qui ont fait mon voyage. Les rencontres et aussi les transports. Les russes rient quand on leur dit qu'on préfère voyager en train, pour la découverte, l'exotisme. Pour eux c'est une perte de temps insurmontable dont ils préféreraient se passer. C'est que le temps s'arrête dans ces longs voyages en train ou en bus. On se voit contraint par la force des choses à partager un bout de vie avec des inconnus que le hasard a mis sur notre route. Le temps d'un voyage, une proximité s'installe sans qu'on s'en rende compte et on en vient à partager des regards, des larmes, des secrets, des rires. Et pendant ce temps, les paysages défilent immuablement, nous laissant à la contemplation. 
Des rencontres et des transports, cela pourrait bien être ma définition du voyage, du moins celui que je termine maintenant. Et le voyageur solitaire alors ? J'en ai croisé plusieurs durant mon parcours et je crois pouvoir dire qu'il existe plusieurs sortes de voyageurs. Il y a ceux qui fuient. Un environnement, une situation familiale, eux-mêmes. Et puis il y a ceux qui cherchent. Des réponses, une vocation, eux-mêmes. Parfois on ne sait pas exactement ce qu'on fuit ou ce qu'on cherche. Et puis on finit par entrevoir. 
C'est bon aussi de rentrer chez soi.