Les jours dans le train se suivent mais ne se ressemblent pas. 
Cette journée de transsib m'a permis de faire et voir pas mal de choses. Bien sûr, on imagine bien dans un train, nous avons joué aux cartes. On nous a appris le jeu dourak (traduction : l'idiot !). Enfin, disons que j'ai fait ce que j'ai pu pour comprendre. Même si c'était pas évident, j'ai réussi à gagner le respect de mes adversaires en gagnant quelques parties !
A Perm, une voisine nous rejoint. Elle est avec son bébé de 3 mois. Elle est douce et porte en elle une grande tristesse. Elle s'appelle Acia et elle aussi va à Irkoutsk. Je crois avoir compris qu'elle va travailler comme infirmière dans une région où il y a peu de services médicaux. C'est une réalité à propos de laquelle nous échangeons avec Micha. Bien sûr qu'il retournera vivre en Allemagne après son année de prof. 
La vie ici en Russie est trop dure ! Pourquoi y a t-il autant de gens à qui il manque des dents ? Pourquoi notre voisine Acia pleure ? Les souffrances que les gens d'ici doivent endurer sont à l'image de la dureté des paysages. Un froid glaçant, sans concession, dur. C'est pour ça je pense que j'ai du mal à prendre en photos ces personnes. Je partage leur quotidien pour quelques jours, mais je suis privilégiée et je me sens mal à l'aise d'accentuer ceci en les photographiant. On verra par la suite. 
J'aimerais croire que le froid rapproche les gens. La chaleur humaine est bien là dans le train. J'aime cette camaraderie qui existe à bord. S'il y a de la place sur la banquette (le train n'est pas complet au départ de Moscou), on peut s'arrêter et s’asseoir pour discuter. Avec l'arrivée du bébé, ceux qui s'arrêtent se laissent aller à la contemplation de ce petit être. Très amusant de voir la viande saoule de la veille s'attendrir comme un agneau. J'écoute toujours...toutes les conversations. Les voisins me font goûter leur poisson séché. La nourriture aide à briser la glace entre tous les passagers.

Arrivée à Ekaterinbourg pour 25 min d'arrêt. Victor est tout fier de me faire découvrir un endroit spécial à deux pas du quai : c'est le point de délimitation entre l'Europe et l'Asie. Il pose fièrement.

La soirée sera calme, les ukrainiens ont vidé leur stock d'alcool la veille et eux s'arrêtent à Tioumen dans la nuit. Ils vont travailler pendant 1 mois et demi à la construction d'un pont. Ils laissent tous derrière eux une famille.
Avec Isabella et Acia, nous passons un peu de temps avec Igor. Il a le physique typique d'un moujik russe, rustre, solide, brun et barbu. Son physique m'impressionne. 

Les lumières sont éteintes mais personne n'a envie de dormir à cause du décalage horaire. 3 heures déjà par rapport à Moscou. Les discussions se font maintenant à voix basse. Autant dire que je ne comprends plus rien à ce qu'ils racontent. 
Я не всё понимаю, но я чувствую. Je ne comprends pas tout, mais je peux ressentir. Igor approuve : так всё хорошо. Tout est bien, il sourit et me fait un clin d'oeil. Carapaces et coeurs tendres...

Il est temps de dormir... bientôt un groupe de militaires embarque pour combler les couchettes vides en plein milieu de la nuit.