Ça y est, nous sommes arrivés au Vietnam. Ça fait du bien de changer.

Un bus nous amène jusqu’à la ville frontière chinoise, Hekou. C’est déjà un dépaysement. En descendant des montagnes, la chaleur nous surprend. Les bananeraies prennent des proportions industrielles. Jusqu’à la frontière, la route longe le fleuve rouge, large et boueux. Le bus fait une pause. Nos fruits, habituellement exotiques, se retrouvent là, sur les étals du marché local. Nous descendons bel et bien vers les tropiques. Des régimes entiers de bananes bien sûr, mais aussi ananas, pomelos, mangues, des montagnes de noix de coco, clémentines vertes, papayes, grenades… Whaou !!!

Nous passons la frontière à pieds sans aucune difficulté. Hekou est séparée de Lao Cai, la ville frontalière vietnamienne, par un pont simplement. Un douanier chinois sympa qui me tape la discute et complimente mon chapeau. Nous voilà sur le pont au milieu de tous les frontaliers, à pieds ou à vélos, chargés de marchandises. Passage par les douaniers vietnamiens. Notre e-visa passe sans aucune difficulté. Welcome in Vietnam ! A peine sortons-nous de la douane, que nous sommes abordés pour changer nos yuans restants. Il nous prend pour des bleus. Nous sommes un peu au courant du taux de change Monsieur. Nous comprenons très vite que le marchandage est en fait un sport national et mieux vaut se prendre au jeu avec le sourire. Ça les amuse beaucoup. Nous décidons de procéder de même. La difficulté consiste à connaître le vrai prix. Sur un marché dans les environs de Bac Ha le lendemain, nous devenons même experts en la matière. La marchande nous propose un prix. Nous savons qu’il est gonflé 2 à 4 fois. Nous disons non. Elle nous demande quel est notre prix. Nous divisons par 3. Impossible pour elle. Elle baisse un peu. Nous disons non et partons. Elle vient nous rechercher. Je dois me forcer à garder mon sérieux pour ne pas rire. Elle tente un prix intermédiaire. Nous continuons à dire non. Elle fait une mine très triste pour nous prendre en pitié. Nous partons. Elle vient nous rechercher. Ok, OK ! Elle est finalement morte de rire avec sa voisine marchande. Ils n’ont pas été faciles ceux-là. Je suis sûre que malgré tout, elle fait encore une bonne affaire. Le coiffeur tente un 90 000 dong auprès de Mathieu. Il fait baisser le prix à 40 000. Oui, au Vietnam, avec des retraits d’espèces en millions, ça donne vraiment l’impression d’être riche !

A Bac Ha, nous logeons dans une chambre d’hôtes, chez monsieur Sa. Il possède 3 grandes maisons en bambou sur pilotis. Toits en feuilles de palmiers, pas vraiment de portes ni de fenêtres. Tout est ouvert. J’aime bien ces maisons sobres et naturelles. Madame Sa est un vrai cordon bleu. Elle nous cuisine des nems divins (oui, les nems, c’est vietnamien, et pas chinois comme nous le pensions), des chayottes (un légume vert), des beignets de maïs… Un régal ! Malheureusement, nous découvrons que les vietnamiens entretiennent un régime encore plus carnassier que les chinois. Tout y passe, même les chats et les chiens. Monsieur Sa nous explique qu’il ne garde les chats que s’ils savent bien chasser les souris. Pareil pour les chiens, ils doivent garder la maison, sinon… Nous remarquons effectivement une grande proportion de chiots par rapport aux chiens adultes. Au marché aux bestiaux, il y a un espace de vente de chiots. C’est culturel, ils ne sont pas considérés comme des animaux de compagnie… Nous entrons dans un restaurant où il y a pas mal de monde, que des vietnamiens. Nous demandons ce qu’ils peuvent nous suggérer sachant que nous ne mangeons pas de viande. Cette question les fait beaucoup rire ! Rien. Ils ne peuvent rien nous proposer. Haha !

A Bac Ha vit l’ethnie des Hmong fleuris. Cette dénomination est due aux costumes des femmes, très colorés. C’est un vrai plaisir de les voir avec leurs jupes volantes, leurs plastrons brodés, leurs boucles d’oreilles pendantes. Elles sont très belles. Je m’insurge contre un touriste qui flash à tout va ses mamies couleurs. Lui a-t-il demandé si elle acceptait d’être prise en photo ? A-t-il échangé quelques mots, un sourire, un regard approbateur avec elle ? Non, il photographie comme s’il photographiait les singes au zoo. Je déteste cette façon irrespectueuse de voler les portraits, et en particulier de ses minorités. Nous nous asseyons sur un banc d’un petit boui-boui du marché. Nous commandons LE plat unique, un bouillon de pâtes violettes (fait à base de farine de konjac). Des voisins de table nous font aussi déguster du riz collant de différentes couleurs qu’on tapote dans de la cacahuète concassée. Délicieux. C’est la bonne ambiance ici en fin de marché. Toute la famille est là. On nous offre de l’alcool de riz. La cuisinière me donne la becquée. Ils sont marrants ces Hmongs !

A la fin du marché, ballade à scooter dans les villages alentours. Nous recevons des sourires et des « Hello ! » à tout va. Dommage que le soleil ait du mal à percer à travers tous ces nuages. Il faut dire qu’un typhon est en train de s’abattre dans le centre du Vietnam et inonde les terres. C’est la fin de la mousson, le ciel est capricieux en cette saison intermédiaire.

Autre ballade à pieds dans les environs. Des rizières pas encore moissonnées et des formes improbables. Des buffles, des bananiers, des chapeaux vietnamiens (et aussi des casques coloniaux). Quel dépaysement ! Au retour, nous croisons un groupe d’ados qui randonne. Un guide et deux étrangers avec eux. C’est une balade pour parler anglais. Nous nous joignons à eux, ils sont ravis d’avoir encore plus d’occasion de pratiquer la langue. Car oui, ces gamins ont 12 ans, et ils sont capables de mener une conversation avec nous. Dans le futur, il faudra compter sur la jeunesse vietnamienne, qui a une soif d’apprendre et d’ouverture. Le Vietnam est en plein baby-boom. Après toutes les guerres qu’ils ont subi dans leur histoire récente (Indochine contre les français, seconde guerre mondiale contre l’invasion des japonais, Vietnam contre les américains, contre les Khmers rouges au Cambodge, suivi des purges internes communistes !), ils peuvent bien savourer ce temps de paix.

Départ à 6h30 de Bac Ha. 6h de bus plus tard, nous nous retrouvons dans la petite ville de Ha Giang, perchée dans les montagnes. Nous avons rendez-vous avec Tien, dans un petit village à proximité, pour faire du volontariat dans sa ferme-auberge. Un taxi nous y emmène. Le village est exceptionnellement typique avec ses maisons traditionnelles aux toits de palmier. C’est un grand bonheur. Tien nous accueille un peu fatiguée. En réalité, elle est encore saoule d’un déjeuner arrosé à l’alcool de riz. Ça promet. Dans la ferme, nous trouvons deux volontaires estoniens qui sont là depuis quelques jours. Ils attendent qu’on leur donne du travail. Il y en a pourtant. Mais la pluie empêche de planter les caféiers.

Nous sommes arrivés hier… et attendons, nous aussi, qu’on nous donne du travail. Repos à l’abri, dans la moustiquaire. Ici, pas de klaxon, juste le bruit de l’eau qui coule.